Exploration des vestiges romains dans le quartier historique de la Colline Sainte-Croix à Metz

Introduction : Un voyage à l’origine antique de Metz

Au cœur de Metz, la Colline Sainte-Croix surplombe la vieille ville avec un passé qui remonte bien au-delà du Moyen Âge. Ce quartier, véritable épine dorsale de la cité, conserve dans ses entrailles et sous ses pavés les traces de la civilisation gallo-romaine. Dénouer les fils de ce passé, c’est comprendre pourquoi Metz fut un nœud stratégique de l’Empire romain, connu alors sous le nom de Divodurum Mediomatricorum (le "carrefour sacré" des Médiomatriques). Cette exploration, entre légendes urbaines et vestiges documentés, met en lumière les témoins encore visibles de cette période charnière.

Colline Sainte-Croix : La matrice gallo-romaine de Metz

L’urbanisme messin de l’Antiquité se cristallise autour de la Colline Sainte-Croix. Point culminant de la cité (environ 30 mètres au-dessus de la Moselle), c'est ici que les premiers Médiomatriques, puis les colons romains, ont installé temples, forums et infrastructures civiques dès la conquête de César, autour de 52 av. J.-C. La ville, située dans une boucle stratégique de la Moselle et au carrefour de routes majeures (la Via Agrippa), se dote très tôt d’équipements adaptés au rang de civitas.

Si une partie du patrimoine antique reste enfouie – la Colline étant encore largement inexplorée par l’archéologie moderne –, plusieurs témoins significatifs restent visibles, en jouant parfois à cache-cache avec le promeneur attentif.

Les vestiges visibles à la surface : localisation et descriptions

• Le tronçon des remparts romains

  Le rempart antique de Metz, daté du III siècle, fut construit pour contrer la menace grandissante des invasions barbares. Ce mur, d’une largeur pouvant aller jusqu’à 4 mètres en certains points, se déployait sur près de 2,5 km, encerclant la Colline et les faubourgs antiques.

  • Un pan particulièrement bien conservé subsiste rue du Haut-Poirier, à l’arrière du lycée Fabert. Ici, l’alignement de gros blocs de calcaire, le lit de mortier, et même quelques assises de la base originelle, sont lisibles, même pour des non-initiés. Pour référence, Archéologie en Lorraine mentionne que les fouilles menées en 1989 y ont mis au jour l’épaisseur authentique du rempart antique (Archeologie-lorraine.fr).
  • D’autres tronçons sont ponctuellement visibles à proximité du square du Luxembourg et au niveau du musée de la Cour d’Or, intégrés parfois aux murs modernes ou situés dans des caves, illustrant la manière dont le tissu urbain s’est bâti sur les ruines de l’arche romaine.
• Le cryptoportique du forum

  La Colline Sainte-Croix abritait le centre administratif et religieux de la cité antique. Sous les allées du musée de la Cour d’Or, un cryptoportique – vaste galerie semi-enterrée en forme de U – est partiellement accessible au public. Ce type d’ouvrage servait d’entrepôt couvert pour le marché du forum et de fondation aux monuments publics.

  Les vestiges sont suffisamment parlants pour distinguer la structure originelle : murs en appareil régulier, voûtes en berceau, pavements antiques. On estime sa construction à la fin du I siècle ou début du II siècle (cf. catalogue permanent du Musée de la Cour d’Or ; voir aussi Musée européen).

  L’accès principal s'effectue depuis la salle du musée dédiée à l’Antiquité, où les visiteurs peuvent aussi admirer une maquette reconstituant le forum antique.

• Les fragments de thermes publics et privés

  Les thermes gallo-romains, dont la mode se répandit à partir du II siècle, ont partiellement été retrouvés sous l’actuel musée de la Cour d’Or. Une mosaïque polychrome, une canalisation de plomb et la trace d’un hypocauste (système de chauffage par le sol) sont visibles dans une salle spécifique.

  Les fouilles ont aussi exhumé des salles à caldarium (bains chauds) et frigidarium (bains froids), attribuées tant à des thermes publics qu’à des villas privées de notables locaux.

• Décor architectural : chapiteaux, colonnes, inscriptions latines

  Dispersés entre les salles du musée et les arrière-cours, de nombreux éléments lapidaires sont issus des édifices voisins. Citons notamment :

  • Une inscription dédicatoire à la déesse Tutela, sans doute liée au forum
  • Des chapiteaux corinthiens décorés, parfois réemployés dans les bâtiments médiévaux alentours
  • Fragments de corniches, tuiles imbrices et tegulae, exposés aussi place Jean-Paul II (ancien parvis de la cathédrale), témoignant de la monumentalité des temples ou basiliques antiques (voir Dossier Lorraine Tourisme).

Un patrimoine souvent enfoui : vestiges souterrains et surprises archéologiques

Une particularité de la Colline Sainte-Croix tient dans la superposition quasi organique des strates urbaines. Si de nombreux vestiges sont intégrés dans des caves privées ou inaccessibles au public, les campagnes archéologiques successives n’ont cessé d’en révéler de nouveaux. Quelques découvertes marquantes :

• Une cave avec sol en opus spicatum (pavage en arêtes de poisson typique de la civilisation romaine) retrouvée rue du Grand Cerf lors de travaux de réhabilitation en 2010.
• Le puits de l’ancien forum, localisé d’après les relevés sur la place Sainte-Croix : daté du II siècle, il desservait un ensemble monumental dont plusieurs bases de colonne ont été retrouvées lors de sondages (Réf. : Bulletin des Antiquités Nationales, 2012).
• Des habitats antiques sous les immeubles : au 8-10 rue Chêvremont et dans les sous-sols voisins, des pans de murs maçonnés, des éléments de mosaïques ou d’enduits à fresque s’inscrivent dans le parcours d’une véritable domus urbaine romaine, souvent transformée par la suite en celliers médiévaux.

Chaque chantier dans le quartier offre donc une opportunité de redéfinir la carte antique de Metz, et d’enrichir la compréhension du tissu démographique, administratif et religieux de la cité.

Date et techniques de construction identifiables dans la pierre

Les vestiges de la Colline Sainte-Croix ne relèvent pas d’une seule époque ou d’un seul style. Les légions romaines, venues après César, introduisent notamment l’utilisation :

• Du petit appareil pour les murs initiaux (blocs réguliers de 20 à 40 cm) dans les premières décennies du Ier siècle
• Du grand appareil puis du remploi d’éléments lors de la période des invasions (III-IV siècle)
• Du mortier à tuileau (mélange de chaux et de poudre de brique) typique de l’hydraulique gallo-romain, bien visible dans l’hypocauste des thermes du musée
• Du système de piles de brique et de conduites de plomb, qui impressionne toujours par sa technicité et sa longévité

À travers ces matériaux, les archéologues lisent la chronologie des crises et renouveaux qui ont marqué la Colline Sainte-Croix : du faste des premières décennies impériales à la mutation défensive de la fin de l’Antiquité.

Le rôle du musée de la Cour d’Or : un passage obligé pour comprendre les vestiges

Le musée de la Cour d'Or joue un rôle clé dans la préservation et dans la médiation du patrimoine romain messin. Voici ce qu’il permet de découvrir très concrètement :

• Le parcours souterrain permettant d'approcher les murs gallo-romains originaux, encore ancrés dans le sol de la colline.
• Des collections lapidaires rassemblant des centaines d’éléments, parfois extraits directement des fouilles du quartier, allant de la stèle funéraire à la base de colonne monumentale.
• La présentation pédagogique (cartels, reconstitutions, maquettes) qui resitue chaque objet et chaque mur dans son contexte originel.

À signaler aussi : de nombreux vestiges du musée sont visitables lors de rendez-vous d’archéologie urbaine et de portes ouvertes annuelles (notamment à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine).

Anecdotes et faits méconnus : quand la pierre raconte l’Histoire

• Certains vestiges romains de la Colline Sainte-Croix ont servi de carrières de pierre tout au long du Moyen Âge. Ainsi, nombre de pierres antiques sont aujourd’hui enchâssées dans des murs religieux ou civils du quartier.
• Le quartier recèle aussi un autel votif dédié à Jupiter Dolichenus (dieu oriental adopté par les légionnaires romains), mis au jour en 1865, puis perdu avant d’être partiellement retrouvé dans les réserves du musée au XX siècle (réf. Metz patrimoine public, archives municipales).
• L’arasement progressif de la colline pour la reconstruction médiévale a parfois livré des objets exceptionnels, comme des statuettes de dieux lares, souvent exposées lors d’expositions temporaires.

Pour aller plus loin : balades, initiatives citoyennes et ressources

• Des fiches de découverte sont disponibles gratuitement à l’Office du tourisme pour organiser sa propre marche antique à travers la Colline Sainte-Croix.
• L’association Metz’au Moyen organise plusieurs visites guidées thématiques chaque année, souvent focalisées sur le substrat antique, en plus des traditionnelles « Journées du Patrimoine ».
• Pour creuser la question de l’évolution urbaine, l’ouvrage de référence reste celui coordonné par François Reinert, Metz, naissance d'une ville européenne. Des origines à la Renaissance (Editions Serpenoise, 2017).

Matrice urbaine éternelle : la Colline comme révélateur d’une cité plurielle

La Colline Sainte-Croix, à Metz, est la mémoire vive d’une ville bimillénaire. Si son sol conserve jalousement nombre de ses secrets, les vestiges accessibles forment une expérience singulière. À travers murs, cryptoportique, bassins et objets, le promeneur attentif parcourt deux mille ans d’histoire urbaine. Observer ces témoins, c’est renouer avec l’ingéniosité romaine et comprendre comment leurs fondations ont modelé pour toujours le visage de Metz.