Queuleu à Metz : un quartier gravé dans la mémoire de la Seconde Guerre mondiale

Explorez Chaque Coin de la Ville

05/09/2025

L’ancrage du quartier de Queuleu dans l’Histoire messine

Situé à l’est du centre de Metz, le quartier de Queuleu étonne aujourd’hui par ses allures résidentielles tranquilles. Pourtant, derrière la quiétude apparente de ses rues, Queuleu porte le poids d’une histoire tragique liée à la Seconde Guerre mondiale. Ce quartier, plus que tout autre à Metz, est associé à la mémoire des persécutions, de la résistance et de la répression allemande entre 1940 et 1944.

L’association entre Queuleu et cette période sombre ne relève pas du hasard : elle s’explique notamment par la présence du Fort de Queuleu, mais aussi par l’expérience quotidienne de ses habitants sous l’occupation nazie. Le rappel de ces heures sombres subsiste aujourd’hui dans le paysage urbain, le souvenir collectif, et les multiples initiatives de transmission mémorielle.

Le Fort de Queuleu : de bastion militaire à lieu de détention et de terreur

Impossible d’évoquer Queuleu sans s’arrêter sur le Fort, édifié initialement dans la seconde moitié du XIX siècle dans le contexte de la fortification de Metz. Outil stratégique du système Séré de Rivières, il se transforme tragiquement lors du second conflit mondial.

Transformation du Fort sous l’occupation allemande

  • En 1943, les nazis investissent le Fort de Queuleu pour le transformer en camp d’internement. Ce lieu sera officiellement baptisé “SS Sonderlager Sicherungslager” (“camp spécial de sécurité”).
  • Entre 1943 et la Libération en septembre 1944, près de 1800 personnes y seront détenues selon les estimations (source : Amis du Fort de Queuleu).
  • La majorité des internés étaient des résistants, des opposants politiques, mais aussi des personnes soupçonnées d’aide ou de communication avec l’ennemi.

Conditions de détention et vie quotidienne au Fort

  • Les prisonniers étaient officiellement détenus pour interrogatoire, souvent dans le cadre d’enquêtes de la Gestapo ou du Sicherheitsdienst (SD) de Metz.
  • Plusieurs salles du sous-sol, dont la “chambre de la mort”, sont employées pour isoler, torturer et intimider.
  • Les récits d’internés, tels ceux rassemblés dans le collectif des Amis du Fort de Queuleu, décrivent la faim, la peur constante, et les mauvais traitements.
  • Peu de prisonniers restent longtemps : la plupart sont transférés au bout de quelques jours ou semaines vers d'autres prisons (notamment à Sarrebruck ou à la forteresse d'Ehrenbreitstein), ou sont déportés.

Ancrage mémoriel du Fort après 1944

Dès la Libération, le Fort devient un point central pour commémorer la mémoire de la Résistance et des victimes des persécutions nazies à Metz. Il sera classé monument historique en 1971. Depuis, diverses plaques ont été inaugurées, des cérémonies annuelles s’y tiennent chaque novembre et des bénévoles assurent le devoir de mémoire grâce à des visites guidées et expositions (source : metz.fr).

Les impacts de l’occupation nazie sur le quotidien de Queuleu

Si le Fort incarne le volet le plus connu, la réalité de Queuleu sous l’Occupation fut plus vaste, touchant l’ensemble du tissu social.

  • Le quartier abritait avant guerre une population ouvrière et de classes moyennes, en croissance. Dès 1940, Queuleu, comme toute la Moselle, est annexé de facto par le III Reich : administration allemande, germanisation des noms, réquisition des maisons, obligation de la langue allemande à l’école et dans les services publics (source : Archives Départementales de la Moselle).
  • Des rafles y sont organisées pour réprimer la Résistance et surveiller la population.
  • Plusieurs familles soupçonnées de sympathie pour la France libre ou les Alliés sont expulsées, ou voient leurs membres arrêtés et internés.
  • Au total, la Moselle comptera 1 300 déportés politiques pendant la guerre, dont une part significative passera par Queuleu selon le Comité départemental de la Déportation.

Présence de la Gestapo et climat d’insécurité

  • L’antenne messine de la Gestapo, particulièrement redoutée, mène plusieurs enquêtes dans le secteur de Queuleu. Le fort devient leur base de détention principale.
  • L’organisation du réseau de résistance “Mario” et du “Groupe de résistance de Metz” avait d’ailleurs plusieurs sympathisants dans le quartier (source : Jean-Paul Picaper, Metz, capitale de guerre, Ed. La Nuée bleue, 2014).
  • Certains habitants participent à des filières d’évasion vers Nancy ou la zone sud, parfois au prix de lourdes conséquences.

Transmission de la mémoire : initiatives locales, témoignages, et patrimoine

La mémoire du Fort et du quartier ne s’est jamais éteinte après-guerre. Plusieurs générations se sont engagées à préserver et transmettre ces événements.

Actions mémorielles

  • Le groupe des Amis du Fort de Queuleu anime depuis plus de quarante ans des parcours mémoriels, enrichis d’archives et de récits d’anciens internés. Leur recueil de témoignages est l’un des fonds les plus riches de Moselle sur cette période.
  • En 2016, un “Espace de Mémoire” a été intégré au site, permettant à des milliers de visiteurs scolaires et au grand public de mieux comprendre la spécificité de Queuleu durant la guerre.
  • Plusieurs plaques et sculptures commémoratives jalonnent l’enceinte du Fort. Le parcours extérieur permet de sentir la continuité entre l’ancien camp et le quotidien urbain contemporain, faisant de Queuleu un vecteur de transmission pour toute la métropole messine.

Le Fort de Queuleu dans la culture locale contemporaine

  • Le site fait aujourd’hui partie des incontournables dans les parcours pédagogiques, à la fois pour les écoles messines et les universitaires travaillant sur la question des camps en France annexée.
  • Plusieurs ouvrages récents, expositions et supports audiovisuels (tels que le documentaire de France 3 Grand Est en 2020) rappellent au public l’importance de ces lieux de mémoire de proximité.

Sensibilité du lieu : entre recueillement et vigilance contemporaine

La symbolique de Queuleu résonne singulièrement à chaque époque. L’attachement de la société civile, des élus et des descendants des internés à la préservation de ce patrimoine témoigne d’une volonté de faire vivre cette mémoire, face à l’oubli ou à la banalisation de la barbarie qui a pu s’y exprimer.

  • En 2023, plus de 8 000 visiteurs annuels sont venus découvrir le site, souvent à l’occasion de journées du patrimoine ou d’événements de mémoire (source : mairie de Metz, rapport annuel sur le patrimoine).
  • Des restaurations régulières du site rappellent la fragilité matérielle et symbolique de ces lieux : préserver la mémoire n’est jamais acquis.
  • Le débat sur les usages futurs du Fort (ouverture au public, événements), ainsi que la cohabitation entre espace mémoriel et espace naturel, illustrent la permanence de la réflexion citoyenne autour du passé de Queuleu.

Pourquoi Queuleu demeure un pilier de la mémoire mosellane

La mémoire de la Seconde Guerre mondiale est diversement répartie dans la ville de Metz ; Queuleu concentre cependant un condensé d’expériences : oppression, courage, engagement citoyen, transmission. Chaque année, les cérémonies, conférences et travaux de recherche rappellent que Queuleu n’est pas un simple quartier résidentiel, mais un lieu vivant de réflexions sur l’histoire, la justice et les résistances face à l’arbitraire.

La transmission de ce passé est essentielle pour comprendre la spécificité de l’Est de la France sous l’Occupation, les mécanismes d’oppression, mais aussi les espoirs qui subsistent malgré les tragédies. La vitalité des actions menées à Queuleu dépasse la simple commémoration, elle invite à l’intelligence critique et à la construction de solidarités pour demain.

Pour aller plus loin :

En savoir plus à ce sujet :

Pourquoi le quartier de Queuleu est-il chargé d'histoire ?

28/10/2023

Le quartier de Queuleu, situé dans la magnifique ville de Metz en Moselle, est une zone particulièrement riche en histoire. Plus qu'un simple quartier résidentiel, Queuleu est un véritable témoignage du passé, doté d'une histoire fascinante...