Sur les traces des inspirations messines : lieux et artistes à travers les siècles

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18/08/2025

Entre lumière et verticalité : la cathédrale Saint-Étienne

Impossible d’évoquer les muses messines sans débuter par Saint-Étienne, la “Lanterne du Bon Dieu”. Avec ses 6 500 m² de vitraux – le plus vaste ensemble de France –, ce chef-d’œuvre gothique a fasciné des générations d’artistes :

  • Jean Cocteau réalisa pour la cathédrale trois vitraux modernes dans la Chapelle du Saint-Sacrement (1963), influencé par la flamboyance du site.
  • Valentin Bousch (XVIe siècle) y laissa de spectaculaires verrières Renaissance, où Mézières et Metz s’entremêlent en scènes bibliques et paysages locaux.
  • Marc Chagall composa dans les années 1960 trois verrières majeures du chœur, mêlant figures oniriques et teintes iodées, inspirées par la lumière particulière des lieux.

N’oublions pas le poète Paul Verlaine, élevé à deux pas de la cathédrale, qui évoquait dans sa correspondance la « forêt de pierres dorées » et la « grande nef infiniment haute ». Un panorama sur la Place d’Armes leur servait de repère.

Éclats d’eau, d’ombre et de végétal : la Moselle et ses Jardins

La Moselle, ses affluents et les jardins riverains ont constitué une inspiration persistante.

  • Le Jardin Boufflers, enclavé entre la Moselle et l’ancienne citadelle, inspira de nombreux peintres paysagistes messins au XIXe siècle, dont Charles-Laurent Maréchal, leader du mouvement de peinture sur verre, qui venait y fixer sur carnet la lumière de fin d’après-midi.
  • L’île du Petit-Saulcy – sur laquelle le théâtre fut construit en 1752, au cœur de la rivière – offrait un panorama prisé depuis la passerelle des Roches. À la Belle Époque, nombre de photographes, dont Adolphe Mengin, y installaient leurs chambres noires pour immortaliser la ville miroitant sur l’eau.
  • Le plan d’eau et les promenades plus récentes – avec leurs perspectives sur la cathédrale et le Temple Neuf – sont aujourd’hui réinvestis par de nombreux aquarellistes ainsi que des photographes publiant régulièrement sur Instagram (voir le compte collectif @igersmetz).

La présence silencieuse des peupliers, cygnes et oiseaux migrateurs a aussi inspiré bon nombre d’illustrateurs, dont l’artiste contemporaine Marie Morel, originaire de Lorraine.

La Ville Ancienne : quartiers d’artistes, d’auberges et de ruelles secrètes

Mais ce sont bien souvent des lieux plus confidentiels qui sont les véritables incubateurs de création.

  • La rue Taison, avec son atmosphère de médiévale transe enserrée par les façades à pans de bois, accueille aujourd’hui de nombreux créateurs (galeries Rue 34, atelier Tonton Roger, etc.). Mais dès le XIXe siècle, le Café Foy (aujourd’hui disparu) fut un haut lieu des “Bohèmes messines”, rassemblant jeunes poètes, peintres et musiciens.
  • La Porte des Allemands, ouvrage fortifié sur la Seille, inspire depuis le romantisme des aquarellistes comme Charles Millot et, récemment, des dessinateurs de BD (par exemple le collectif Quai des Bulles).
  • La rue de la Chèvre fut immortalisée par les descriptions urbaines de Maurice Barrès, qui y situait des rencontres dans son ouvrage “Un homme libre”.

Les caves et soubassements de ces quartiers abritent aujourd’hui des ateliers. La dynamique artistique n’est donc pas nouvelle mais en perpétuelle réinvention.

Le Sentier du Fort de Queuleu : résurgence de la mémoire et de l’art

Le Fort de Queuleu, connu pour sa douloureuse histoire durant l’Occupation, se transforme depuis les années 2010 en site de mémoire mais aussi de création. Le collectif “Les Sentiers de la Mémoire” y propose régulièrement des expositions d’art contemporain intégrées aux anciennes casemates.

  • Art urbain et installations : Fresques éphémères, sculptures, projections vidéos rappellent des fragments de biographie des “déportés du fort”, à l’initiative d’artistes locaux engagés (association Osez Metz, 2022).
  • Résidences d’écrivains : Depuis 2016, le programme “Écrire le Fort” convie chaque année poètes et romanciers lorrains à puiser leur inspiration dans la complexité du lieu (Source : Bibliothèques de Metz).

Du passé tragique à la résilience artistique, le Fort fascine par son ambiance unique faite de silences et d’ombres, transfigurés par la création contemporaine.

Le Quartier Impérial : symbole de renouveau artistique urbain

Construit entre 1902 et 1914, ce quartier, inscrit depuis 2017 au patrimoine mondial de l’UNESCO, offre un terrain de jeux architectural unique, évoquant tantôt Vienne, Berlin, Nancy. Si les artistes du début du XXe siècle furent peu enclins à s’approprier l’espace – du fait de tensions identitaires liées à l’annexion – le quartier est aujourd’hui régulièrement valorisé.

  • Photographes et illustrateurs : La visibilité croissante sur Instagram (@metzville ou @exploremetz) redonne vie à la gare, au Palais du Gouverneur, mais aussi aux détails art nouveau et néoroman, motifs inépuisables.
  • Musiciens : Le Conservatoire à Rayonnement Régional de Metz, installé avenue de l’Amphithéâtre depuis 2013, attire chaque année plus de 1 400 élèves (chiffre municipal, 2022) et voit naître de nouveaux projets, du jazz à l’électro, dont les morceaux sont parfois inspirés par l’alignement singulier du Boulevard Poincaré.

Les galeries éphémères, festivals d’arts urbains (Festival Constellations) et performances publiques investissent régulièrement ces espaces, retissant un lien entre histoire architecturale et création actuelle.

Le cimetière de l’Est et les lieux de mémoire : source d’inspiration littéraire et picturale

Moins attendu, le cimetière de l’Est a une longue tradition d’inspiration romantique. Maurice Barrès, dont la famille reposait à Metz, disait de ces allées ombragées : “elles invitent à la rêverie autant qu’au souvenir du peuple disparu”. Les allées tortueuses, la crypte des officiers russes ou la Chapelle Saint-Charles alimentèrent de nombreuses pages, depuis Sophie de Weil jusqu’aux poètes contemporains.

  • Peintres du deuil et du souvenir : Les toiles d’Ernest Laurent (fin XIXe), où l’on reconnaît la statuaire funéraire messine, participent de la tradition symboliste.
  • Nouvelles et poésies : Plusieurs recueils édités localement mettent la lumière sur les récits oubliés gravés sur les pierres tombales, révélant un patrimoine immatériel (Cf. “Les Veilleurs de l’Ombre”, éditions Serpenoise, 2017).

Metz de demain : musées, friches et nouvelles scènes créatives

Metz n’a rien d’un musée figé. Ces dernières décennies, de nouveaux lieux apparaissent et inspirent une génération d’artistes à réinventer la ville :

  • Le Centre Pompidou-Metz : Depuis son ouverture en 2010, plus de 3,7 millions de visiteurs ont pu apprécier des expositions majeures, souvent dédiées à la migration des idées et à la porosité entre architecture, paysage et création (Source : “Bilan 2022”, Centre Pompidou-Metz).
  • Les Trinitaires et l’Arsenal : Transformation de l’ancien couvent et arsenal militaire en hauts lieux de la musique, du théâtre et des arts visuels, particulièrement durant le Festival Musiques Volantes ou les Nuits de la Lecture.
  • La BAM (Boîte à Musiques), au Sablon : Incontournable tremplin pour groupes rock, électro et rap, la BAM valorise souvent Metz et ses quartiers dans des clips destinés à YouTube, propageant ainsi l’image de la ville au-delà de la région.

Ces nouveaux territoires donnent à Metz une dynamique artistique renouvelée, faisant écho à la diversité des influences européennes qui la traversent.

Quand les pierres, l’eau et la mémoire deviennent matière artistique

À chaque époque, Metz a su inspirer les artistes locaux, qui ont tantôt puisé dans la verticalité des flèches gothiques, la douceur de la Moselle, les énigmes des caves médiévales ou la beauté rugueuse des friches. La ville, à la fois matrice et miroir, s’offre toujours en support à la redécouverte et à l’expression artistique, entre patrimoine et modernité, histoire partagée et créations individuelles.

Il suffit de s’arrêter, l’œil attentif, dans un jardin du centre, sur un quai d’eau dormante ou une place oubliée, pour percevoir combien, ici, chaque détail peut devenir un motif à explorer — et peut-être, une future source d’inspiration pour les créateurs messins de demain.

Sources principales :

  • Moulins, Yves. « Metz, cœur de Lorraine » (Gallimard, 2017),
  • Musées de la Cour d’Or, Archives de la Ville de Metz,
  • Site officiel Centre Pompidou-Metz,
  • Éditions Serpenoise.

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